L'asperger qui s'ignorait

15/10/2022

En avril 2022, j'ai visionné une vidéo d'un médecin français spécialiste du syndrome d'Asperger. Plus la vidéo avançait, plus je me reconnaissais. J'étais complètement stupéfait.

Pour ceux qui me côtoient depuis 30 ans, le diagnostic d'Asperger peut surprendre, car ils me connaissent avec un côté assez sociable. Lorsque j'étais jeune, il y en allait tout autrement. Je préférais de loin être seul et je n'avais pas du tout d'amis. J'ai commencé à socialiser à 15 ans, petit à petit. Au secondaire, je n'avais que très peu d'amis. Grâce à facebook, j'ai pu heureusement reprendre contact avec certains d'entre eux. Au Cégep, je me suis efforcé, tant bien que mal, à plus socialiser et à me faire plus d'amis. Si vous saviez tous les efforts que j'ai dû déployer.

Pour revenir à nos moutons, parmi les caractéristiques qui sont traitées dans la vidéo, j'ai :

  • Hypersensibilité sensorielle - sensibilité particulière aux bruits, aux odeurs, aux flashs lumineux ainsi qu'une forte sensibilité de la peau (au point de hurler et d'avoir de vives réactions, voire exagérées aux yeux de certains);

  • Grande difficulté d'adaptation aux changements (au point de conserver et de porter de très vieux vêtements en lambeaux);
  • Obsession du temps (au point de piquer une colère noire pour quelques minutes de retard), respect des horaires, peur d'être en retard, intérêt marqué pour les grilles horaires;

  • J'aime la routine (je suis même ritualiste);
  • Rigidité de la pensée (difficulté d'adaptation à la nouveauté, au changement de contexte, même aux changements dans la présentation d'une page web);

  • Intérêts restreints, mais bien fixés (j'aime bien être expert plutôt que généraliste);
  • Mouvements répétitifs (surtout des pouces et des auriculaires ainsi que se faire craquer le nez et les oreilles);

  • Langage propre à moi (quand j'étais enfant, j'avais un langage différent et seuls mes parents me comprenaient jusqu'à l'âge de 4 ans);

  • Difficulté à me faire des amis (beaucoup dans l'enfance et encore aujourd'hui);
  • Difficulté à ajuster mon comportement en fonction du contexte (je sens souvent que les autres me trouvent bizarre);

  • Difficulté à comprendre la communication non verbale (surtout enfant, mais encore aujourd'hui);

  • Difficulté à avoir une conversation normale, surtout au téléphone (dans l'enfance, mais maintenant avec certaines personnes);

  • Difficulté à regarder dans les yeux (je regarde plutôt la bouche des personnes avec un intérêt marqué pour l'espace entre la bouche et le nez);

  • Difficulté à initier une interaction sociale;
  • Pas de retard de langage;
  • Pas de retard cognitif.

Je n'ai pas d'hyposensibilité sensorielle, ni de langage répétitif (sauf pour les rengaines), ni d'un manque d'intérêt pour les autres, ni de difficulté à partager mes émotions.

Par la suite, j'ai passé un autre test qui lui auparavant était gratuit. Le résultat a été sensiblement le même. En passant, Hans Aperger, le psychiatre autrichien qui a été le premier à décrire le syndrome qui porte son nom, indique que les personnes vivant avec ce syndrome ont de la difficulté à se faire des amis, ont des conversations unilatérales, ont une absorption intense pour un sujet particulier et ont de la maladresse physique. J'ai chacune de ces caractéristiques.

Le fait de savoir pourquoi certaines personnes trouvent que mes actes, mes dires et mes réactions sont étranges m'a complètement libéré d'une certaine culpabilité. Oui, je dis bien CULPABILITÉ. J'ai passé une bonne partie de ma vie à me sentir coupable :

  • De ne pas être comme les autres;
  • De ne pas agir et réagir comme les autres;
  • De ne pas penser comme les autres;
  • D'avoir des réactions exagérées et puissantes;
  • De me mettre en colère lorsqu'on ne respecte pas les horaires;
  • De ne pas accepter facilement les changements de plan, si infimes soient-ils;
  • De ne pas avoir la bonne réaction dans une situation donnée;
  • De parler, de rire, d'éternuer et de me moucher trop fortement;
  • D'avoir encore de la difficulté à me faire des amis.

Voici un exemple d'une réaction exagérée et puissante que j'ai eue à l'Aéroport Charles-de-Gaule. Plusieurs femmes laissaient leurs enfants hurler pendant plusieurs minutes. C'était vraiment pénible pour tout le monde et personne ne faisait rien. Tout le monde était incommodé, mais pour moi c'était particulièrement difficile. J'essayais vraiment de me contrôler, mais je n'y arrivais pas. À un moment je n'arrivais plus à me contrôler. Je me suis alors dirigé vers les enfants, et j'ai hurlé de toutes mes forces de se calmer (en fait, j'ai hurlé SILENCE -- ARRÊTEZ DE FAIRE DU BRUIT). Ce n'était pas drôle à voir. Plus personne autour de moi ne parlait, les enfants étaient médusés. Quelques minutes plus tard, un père (qui n'était pas proche) a parlé à sa femme, et il est venu me voir pour me battre. Il en faisait une question d'honneur (alors qu'il ne s'occupait assurément pas de ses enfants). Heureusement, je n'étais pas seul et nous nous sommes dirigés en direction des gendarmes. Tout c'est bien terminé.

Les personnes Asperger sont beaucoup plus vulnérables à l'égard de la dépression. Le diagnostic peut être particulièrement difficile à reconnaître en raison des traits de personnalité liés au syndrome d'Asperger. Je m'adresse maintenant tout particulièrement à ceux et à celles qui, comme moi, ne comprennent pas pourquoi nous sommes très souvent perçus comme étranges, bizarres et que nos réactions sont perçues comme vraiment excessives. Le fait de reconnaître que je suis Asperger m'a permis de déculpabiliser.

Ça fait maintenant un an que je me suis rendu compte que j'étais Asperger. En rétrospective, J'apprends progressivement à tempérer légèrement mes réactions et à les faire durer le moins longtemps possible. Mon entourage constate un grand changement. Je suis devenu plus facile à vivre. C'est tout un exploit. Ne serait-ce pour ça, je vous encourage à vous renseigner sur le syndrome d'Asperger.

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