Le deuil

01/01/2023

En temps de paix, la mort d'un enfant, d'un parent, d'un frère, d'une sœur, d'un proche parent ou d'un ami intime est certainement l'une des plus grandes épreuves que l'on puisse vivre moralement. L'accompagnement de la personne dans la maladie peut aussi accroître grandement l'incidence sur le moral du survivant. Comment rester insensible à la vue d'une personne qui souffre et dont le corps n'est plus que l'ombre de lui-même? Des images de la personne souffrante, affaiblie et épuisée par la maladie, reviennent régulièrement à notre esprit. Heureusement, ces images disparaîtront avec le temps pour laisser place à des souvenirs plus heureux et joyeux.

Les appels téléphoniques pour prévenir famille et amis, les préparatifs des funérailles, la rédaction et la lecture de l'hommage à rendre au défunt, la recherche du testament, les dispositions à prendre sur le plan matériel en tant qu'exécuteur testamentaire sont d'autant d'événements qui doivent être réalisés dans des délais bien précis, qui ne cessent de rappeler la grande perte qu'on vit et qui sapent moral et énergie.

Plus la personne décédée est proche, plus le deuil est long. Plus il y a de litiges non résolus avec elle, plus le deuil est long.

Normalement, un deuil comporte 4 grandes étapes :

  • Le choc;
  • La colère, le ressentiment et la réconciliation;
  • La profonde tristesse et les remises en question;
  • L'acceptation.


Lorsqu'on apprend le décès ou lorsqu'on accompagne la personne jusqu'à son dernier souffle, on a l'impression que ce n'est pas possible, que ce n'est qu'un mauvais rêve et qu'on va bientôt se réveiller. Certains vivent une grande panoplie d'émotions allant de la tristesse et des simples pleurs au désespoir, en passant par l'angoisse, l'accablement, l'abattement, la consternation, l'anéantissement et les sanglots. Au contraire, d'autres se sentent abasourdis, engourdis, médusés, pétrifiés et ont même l'impression d'être à l'extérieur de leur corps, un peu comme si la nouvelle était trop difficile à supporter. Ils vivent cette étape comme une scène complètement surréaliste, en dehors de la réalité. Le choc peut être plus ou moins long selon la capacité du survivant à accepter la réalité et son attachement au défunt.

Après le choc vient le sentiment d'avoir été abandonné, voire trahis par le défunt. Certains éprouvent un fort ressentiment non seulement envers le défunt, mais aussi envers l'Être suprême ou envers l'Univers. Le vide laissé est si vaste que rien ne semble pouvoir le combler. Parfois, la personne n'arrive pas à surmonter sa colère. Ses schèmes de pensée se durcissent progressivement jusqu'à devenir remplie d'aigreur et d'amertume.

Dans certaines cultures, la colère contre le défunt constitue une réelle infamie contre le défunt et n'est tout simplement pas acceptable ni acceptée. Ainsi, certains déplacent l'objet de leur colère vers une autre personne de l'entourage. Cette autre personne sert de bouc émissaire ou de souffre-douleur d'une colère mal vécue.

C'est à l'étape de la colère que les contentieux (litiges non résolus) avec le défunt refont surface. Les actes du défunt envers soi reviennent facilement à la mémoire et l'on éprouve de la colère et de l'indignation. Ces émotions sont d'autant plus grandes qu'aucune explication n'est possible (s'il s'agit de blessures profondes, je vous recommande vivement de consulter mon billet Pardonner l'impardonnable). Devant une telle situation, il n'y a que deux issues possibles :

  • rester sur ses positions et continuer à en vouloir au défunt. Cette issue aboutie à un durcissement des schèmes de pensée, à l'aigreur et à l'amertume pour la dernière partie de vie;
  • accorder progressivement son pardon au défunt. Cette issue aboutie à un assouplissement des schèmes de pensée, à une paix intérieure.


Les contentieux peuvent aussi porter sur ses propres actes envers le défunt. Comment lui demander pardon alors qu'il n'est plus de ce monde? À cette épineuse question, il y a deux réponses selon que l'on soit croyant ou non.

Le croyant peut, en pensée, demander quotidiennement au défunt de lui pardonner jusqu'à ce qu'il ait l'intime conviction que le pardon est accordé. Il peut aussi demander à Dieu de lui pardonner ses actes. Enfin, il peut entreprendre une démarche auprès d'un psychologue. Évidemment, pour que le pardon soit accordé, il faut que les actes répréhensibles ne se reproduisent plus avec autrui.

Les options qui s'offrent à l'agnostique ou à l'athée sont plus limitées. Il lui faut trouver moyen de se pardonner lui-même pour ses actes. Pour y arriver, il peut trouver un moyen d'aider une personne qui a subi le même traitement que le défunt. Il peut également entreprendre une démarche auprès d'un psychologue.

Qu'on soit croyant ou non, il n'y a que deux issues possibles lorsque le contentieux porte sur ses propres actes :

  • continuer de traîner un lourd fardeau sans arriver à se pardonner ou à pardonner au défunt. Cette issue aboutie à un durcissement des schèmes de pensée, à l'aigreur et à l'amertume pour la dernière partie de vie;
  • arriver progressivement à se pardonner ou à pardonner au défunt. Cette issue aboutie à un assouplissement des schèmes de pensée, à une paix intérieure.


C'est aussi à l'étape de la colère que le syndrome du survivant fait son apparition. Il s'agit de l'état mental d'une personne qui a survécu à un événement tragique durant lequel des personnes sont mortes. La personne est rongée de remords et de culpabilité, comme si elle avait trahi les autres. Si tel est votre cas, je vous encourage vivement à consulter un psychologue spécialisé dans ce syndrome.

Après la colère viennent une profonde tristesse et un certain accablement. Accepter de vivre cette grande tristesse est très important. Désormais, on est pleinement conscient que le défunt ne reviendra plus. Comme d'aucuns diraient, il faut apprendre à reconnaître la présence du défunt dans son absence. Tant et aussi longtemps que ce n'est pas fait, on se sent véritablement affligé par l'absence du défunt. Certes, les sanglots et le « motton dans la gorge » (avoir la gorge serrée par l'émotion) se font plus rares, mais les pleurs sont beaucoup plus fréquents.

C'est durant l'étape de la profonde tristesse que certains croyants renouvellent leur foi. Après en avoir voulu à l'Être Suprême à l'étape de la colère, certains croyants cherchent, à cette étape-ci, de nouvelles réponses à leur questionnement existentiel en approfondissant leur compréhension du monde. Une telle recherche peut se traduire par une plus grande pratique religieuse, par une étude des textes sacrés ou des écrits philosophiques ou, encore, par une conversion à une autre religion.

C'est aussi durant cette étape que certains agnostiques et athées remettent en question leur conception de la vie. Pour certains, la remise en question passe par un désir de mieux connaître la religion de leurs parents ou de se rapprocher d'une autre religion; pour d'autres, elle passe simplement par la croyance en l'existence d'un Être Supérieur.

Parfois, la personne n'arrive pas à surmonter la tristesse. Elle devient progressivement maussade, pessimiste et taciturne.

L'acceptation constitue l'étape finale du deuil. Les émotions vives et les pleurs deviennent de moins en moins fréquents. Peu à peu, les souvenirs heureux, les moments de joie reviennent immédiatement à la surface à la pensée du défunt. On envisage l'avenir avec joie. C'est à l'étape de l'acceptation qu'on peut envisager un renouveau dans sa vie.

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