Peut-on réutiliser le sel?

25/10/2021

Il y a un sempiternel débat à savoir si oui ou non le sel peut être réutilisé pour la salaison des viandes. Certains vont jusqu'à dire que le sel est contaminé par le liquide (myoglobine) qui sort des viandes durant la salaison et qu'il est un véritable nid à bactéries. D'autres estiment qu'il n'y a aucun danger. Comment s'y retrouver?

Cette question revient assez souvent dans les groupes de discussion de charcuteries sur facebook. Ce qu'il faut savoir, c'est que, lorsque la viande est enfouie dans le sel, les bactéries qui se trouvent à sa surface sont neutralisées et ne peuvent donc plus se reproduire (l'intérieur de la viande est exempt de micro-organismes nuisibles). Donc, elles ne posent plus de risque pour la santé et peuvent être facilement éliminées par un simple rinçage du sel.

L'humanité utilise le sel depuis l'antiquité afin de protéger les viandes et les poissons contre les bactéries nuisibles. De par sa capacité à purifier la nourriture, le sel était alors considéré comme « sacré ».

À Rome, une partie de la solde des soldats était versée en sel. Le mot « salaire » est dérivé justement du mot « sel ». À cette époque, le sel servait aussi de monnaie d'échange. C'est donc que le sel était vital et précieux.

Le sel de mer est récolté dans des marais salants, en pleine nature. Il arrive que des animaux y défèquent. Pourtant, en le rinçant bien, le sel conserve pleinement sa capacité d'aseptiser naturellement les viandes et les poissons.

De nos jours, les charcutiers professionnels doivent respecter des cahiers de charges et des règles sanitaires strictes. Ces règles ont principalement pour objet de rassurer les consommateurs et d'éviter des erreurs de manipulation (p. ex. : absence du lavage des mains). Dans certains cahiers charges, il se peut qu'il y ait une clause précisant que le sel ne doit pas être réutilisé. Si tel est le cas, je ne connais pas les raisons qui pourraient motiver une telle décision. Selon moi ce serait plus par excès de prudence ou par manque de connaissances qu'on y aurait inclus une telle clause.

En tant qu'artisans, nous devons certes respecter les règles sanitaires d'usage à la maison, mais la réutilisation du sel ne constitue pas un manquement à ces règles.

Pour ma part, une fois que j'ai terminé une salaison, je rince et j'égoutte le sel deux ou trois fois, puis je l'étale sur une très grande plaque de cuisson et je le fais sécher dans le solarium. S'il fait trop froid, je le fais sécher dans le four éteint après avoir cuit un pain (donc pas de dépense d'électricité). Je le réutilise plusieurs fois.

À l'époque de mon père, le sel était régulièrement séché et réutilisé, surtout dans les des campagnes du Québec. Qui avait les moyens de jeter le sel après un seul usage?

Mon père faisait son lard salé et ses côtelettes de porc salées toujours dans les mêmes pots avec le même sel d'année en année. Personne n'a jamais été malade ou n'a eu d'intoxication avec sa fameuse recette de lard salé et ses savoureuses côtelettes salées.

Je m'imagine mal gaspiller cette ressource extraordinaire. Je ne suis pas du tout radin, mais j'estime important de me rappeler la valeur inestimable du sel, cet élément crucial qui, à petite dose, permet la vie et, à grande dose, élimine la vie.

Si, après avoir lu cet article, vous avez encore peur de réutiliser le sel pour vos salaisons, conservez-le pour faire fondre la glace l'hiver. Ne l'utilisez surtout pas pour désherber, car vous rendrez la terre improductive. En outre, les plantes qu'ont considère comme « mauvaises herbes » sont souvent des plantes savoureuses (pissenlits, chou gras, oseille, ortie, chicorée...). J'en mange tout le printemps et tout l'été.


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