Le repas du matin est-il vraiment le plus important de la journée?

23/09/2023

On nous dit toujours que le repas du matin est le plus important et qu'il ne faut surtout pas le sauter. Faut-il manger vraiment le matin, même sans avoir faim?

D'emblée, j'aimerais préciser qu'une partie de l'information de cette capsule constitue un résumé d'un article de Jessica Bradley, journaliste pour la British Broadcasting Corporation (BBC), publiée le 21 avril 2022. J'ai trouvé l'article si intéressant que j'ai désiré partager avec vous les points les plus importants. J'aimerais aussi signaler que les personnes diabétiques ne devraient jamais sauter de repas, car elles risquent de tomber en hypoglycémie. Une crise d'hypoglycémie prolongée peut avoir des conséquences graves, laisser de lourdes séquelles et même provoquer le décès.

Personnellement, je n'ai jamais eu d'appétit le matin. Ma mère me forçait à manger un peu quand même. C'était la partie de la journée la plus désagréable. Je pouvais passer 20 minutes à manger un seul biscuit soda. C'était vraiment pénible. À 10 ans, je lui ai dit que je n'en pouvais plus et que dorénavant je me passerais du premier repas qu'on nomme « déjeuner » au Québec et en Belgique et « petit-déjeuner » ailleurs dans la francophonie. Tenir tête à ma mère a été très difficile, car elle était tenace, déterminée voire obstinée. La discussion fut enflammée, longue et laborieuse, mais au final j'ai réussi à la faire changer d'idée. Depuis lors, je ne prends presque jamais un repas le matin. Par contre, il m'arrive parfois de me forcer à en prendre un simplement pour éviter d'avoir le mal des transports si j'ai à me déplacer moindrement longtemps en voiture.

L'humanité n'a pas toujours pris 3 repas par jour, loin de là. Paul Freedman, professeur d'histoire et spécialiste en étude de la paysannerie et de la cuisine médiévales à l'université de Yale, à New Haven aux États-Unis, indique que prendre trois repas par jour est une habitude culturelle qui ne repose sur aucun argument biologique. Il précise aussi que le nombre de repas par jour a varié en fonction des époques, des saisons et des milieux sociaux.

L'habitude de manger 3 repas par jour s'est généralisée pendant la révolution industrielle, au XIXe siècle, en Europe. Les ouvriers, qui travaillaient durement, avaient besoin d'un apport énergétique supplémentaire pour continuer leur labeur. Les employeurs les ont alors accordé une pause le midi pour manger pour qu'ils puissent reprendre des forces.

Avant la révolution industrielle, les gens de la classe populaire mangeaient un repas le matin et un repas le soir. Certains prenaient une collation au milieu de la journée, s'il en avait les moyens. Il faut dire que la classe populaire était pauvre avant cette révolution, et beaucoup ne mangeaient pas à leur faim. Les inégalités entre la classe dirigeante, la bourgeoisie et le reste du peuple étaient abyssales. Le partage de la richesse est un concept vraiment récent dans l'histoire de l'humanité.

En diététique, on insiste beaucoup sur l'importance du repas du matin, mais certains scientifiques commencent aujourd'hui à remettre en question cette importance. C'est le cas d'Emily Manoogian, chercheuse clinique au Salk Institute for Biological Studies, en Californie, et auteur de l'article « Quand manger » [traduction] publié en 2019. Cette chercheuse précise qu'il est important de donner à l'appareil digestif un repos de plus de 12 heures.

Rozalyn Anderson, professeur associé à l'école de médecine et de santé publique de l'Université du Wisconsin, quant à elle, indique que le jeûne place le corps dans un état d'attente et de surveillance. Il se met alors à réparer les dommages et à éliminer les protéines mal repliées (protéines défectueuses associées à un certain nombre de maladies) de l'organisme. Elle précise que le jeûne permet à l'organisme de déclencher le mécanisme de libération de l'énergie de nos réserves corporelles.

Quant à Antonio Paoli, professeur de sciences de l'exercice et du sport à l'université de Padoue, en Italie, il indique que le jeûne peut améliorer notre réponse glycémique, ce qui se traduit par un stockage moins important de graisses. Il précise que le fait de condenser nos repas dans une fenêtre plus courte dans la journée a des effets bénéfiques sur la santé.

Mark Mattson, neuroscientifique au centre de recherche biomédical de Baltimore, indique que la prolongation du jeûne au-delà de 12 heures cause un léger stress bénéfique à l'organisme et vient renforcer le système immunitaire et accroître sa résistance aux toxines environnantes.

Anthony Berthou, nutritionniste spécialisé en micronutrition et expert en nutrition sportive, considère que le modèle des trois repas par jour relève avant tout de la croyance, d'une norme sociale et culturelle qui n'a aucun fondement scientifique. Selon lui, le nombre de repas par jour est peu important. Ce qui compte avant tout pour le bon fonctionnement de l'organisme c'est de concentrer l'ingestion d'aliments sur une période de 8 heures et de jeûner les 16 heures restantes. Ce modèle 8/16 serait le plus bénéfique pour la santé. Un si long jeûne quotidien permet de limiter le surpoids, régule la sécrétion d'hormones et de l'insuline, diminue l'inflammation ainsi que rétablit et resynchronise le rythme circadien.

D'autres scientifiques estiment que manger trop tôt après le réveil irait même à l'encontre de notre rythme circadien et qu'il serait préférable de prendre 1 ou 2 repas par jour pour augmenter la période du jeûne quotidien.

Une étude menée par l'université de Bath en 2014 a démontré que le déjeuner n'avait aucune incidence sur le métabolisme. D'autres études scientifiques ont montré les bienfaits du jeûne sur l'organisme, notamment la libération de molécules antioxydantes et une amélioration du métabolisme.

Il semblerait que le télétravail faciliterait l'adoption d'un modèle alimentaire ne comportant qu'un ou deux repas. D'aucuns affirment même qu'avec la généralisation du télétravail dans les prochaines années, de très nombreux travailleurs profiteront de la nouvelle flexibilité dans leur horaire pour adopter un modèle alimentaire ne comportant qu'un seul repas par jour. J'ai même lu que la théorie de l'évolution expliquerait l'adoption généralisée de ce modèle alimentaire avec le temps. Permettez-moi ici d'être perplexe et d'exprimer des doutes. Mais qui sait ce que l'avenir nous réserve?

De nombreux diététiciens et nutritionnistes continuent d'insister sur l'importance quasi vitale du repas du matin dans une alimentation équilibrée. Cela dit, le sujet fait de plus en plus l'objet d'études scientifiques bien étoffées. Il est possible que ces études puissent un jour démontrer clairement le bien-fondé et les bienfaits de la prolongation d'un jeûne bien au-delà de 12 heures. Si tel était le cas, la communauté scientifique spécialisée en diététique et en nutrition pourrait vivre tout un changement de paradigme.

Vivant avec une personne diabétique depuis de nombreuses années, j'ai appris à manger à heures fixes. Ce n'est qu'en 2014, lorsque j'ai revu mon alimentation en visant la réelle satiété que j'ai commencé à ne manger que si j'ai faim. En fait, j'ai compris que manger à heures fixes sans avoir faim déréglait les signaux de faim et de satiété.

Comme je me lève habituellement tôt et que je n'ingère presque jamais rien dans la matinée, j'ai habituellement faim vers l'heure du midi. Cela dit, il m'arrive parfois d'avoir faim plus tôt et de prendre une toute petite collation (habituellement des petits fruits et un petit morceau de fromage) vers 10 h pour tenir le coup jusqu'à midi.

J'aimerais préciser que je ne recommande nullement de sauter le repas du matin. J'insiste plutôt sur la nécessité de manger lorsque la faim se fait sentir. Si vous avez faim au réveil, il est inutile de vous priver de nourriture. L'important est de bien écouter le corps et de ne pas jeûner si on a faim.

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